Le Kevala-Advaïta ou non dualisme absolu
Les darçana-s (systèmes philosophico-théologiques) vont deux par deux. Le yoga est le prolongement du sâmkhya, auquel il a emprunté son matériel conceptuel. De même le Vedânta est le prolongement d'un autre darçana moins connu, parce que plus technique: la mîmâmsâ.
La mîmâmsâ, c'est l'exégèse du Veda à des fins rituelles.
Le Vedânta, c'est l'exégèse du Veda à des fins philosophico-théologiques (il s'appelle d'ailleurs aussi Brahma-mîmâmsâ, "investigation du Brahman". C'est d'ailleursce que suggère l'étymologie. Vedânta (=fin du Veda) désigne au sens propre les Upanishads, en tant que celles-ci parachèvent l'édifice védique. Le fondement du Vedânta, c'est donc la Révélation védique, la çruti et uniquement la çruti, qu'il considère comme la plus haute autorité, le critère de vérité par excellence.
L'œuvre de base du Vedânta, ce sont les Vedânta-sûtra ou Brahma-sûtra ("Aphorismes sur le Brahman"): 555 aphorismes d'une lecture très difficile, parce que très condensés. Ils sont attribués au rishi (sage védique) Bâdarâyana. On pense qu'ils ne remontent pas au-delà du 3éme s. avant JC.
Ces sûtras ne seraient pas compréhensibles sans l'aide des commentaires postérieurs. Le plus célèbre de ces commentateurs est l'un des plus grands penseurs de l'humanité, Çankara, qui a fait du Vedânta ce qu'il est encore actuellement "l'une des plus admirables réalisations de l'esprit humain" (Von Glasenapp). Mais pour l'Inde, il ne s'agit pas d'une création humaine, mais bien d'une doctrine révélée.
Transmission de la doctrine vedântique (advaita-sampradaya)
Nârâyana (identifié à Vichnou): l'Être suprême
Brahmâ: le Créateur
Vasishtha: fils spirituel de Brahmâ et rishi védique
Çakti : aîné des cent fils de Vasishtha
Parâsara: fils aîné de Çakti, auteur présumé du Vichnou-Purâna
Vedavyâsa: compilateur du Veda, fils de Parâsara
Çuka: fils de Vedavyâsa, guru de Gaudapâda
Gaudapâda: auteur des Kârikâ sur la Mândûkya-Upanishad
Govinda Bhagavatpâda: guru de Çankara
Çankara: incarnation plénière de Çiva
3-8 : transmission de père à fils (vamçaparamparâ)
8-10 : transmission de maître à disciple (çishya-paramparâ)
(Par Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg. Site : stehly.chez-alice.fr)